Les Accords d’Évian: prémices et conclusion

Le 18 mars 1962 fut une délivrance pour le peuple algérien et une première lueur pour ceux qui jusque là vivaient une période sombre et tourmentée. Depuis le 1er novembre 1954, date à laquelle a débuté l’affrontement armé entre nationalistes algériens et troupes coloniales française, peur et angoisse occupaient les esprits dans une Algérie baignant dans un quotidien ponctué de d’attentats et de répressions. Certains, faisant preuve d'optimisme, tentaient de se rassurer en se convaincant qu’une telle tragédie devait prendre fin selon le processus dialectique, négociation, cessez le feu et paix qui  avait conduit les pays voisins, Maroc et Tunisie à accéder à l’autonomie interne puis l’indépendance. Mais cette projection se heurtait à la résistance des forces coloniales civiles et militaires lesquelles, avec l’appui objectif d’un gouvernement socialiste français timoré, entendaient se rendre maître du terrain et anéantir le mouvement nationaliste qualifié de rébellion.

Ainsi, le cycle de violences perdura durant les années 1955, 1956, 1957 et 1958 et aucun ne se hasardait à en fixer le terme. Sauf qu’au cours de ces deux dernières années commencèrent à se faire entendre quelques bruissements faisant état de rencontres secrètes d’émissaires du gouvernement français avec des représentants du Front de Libération National algérien (FLN) qui avait alors regroupé  les mouvements nationalistes algériens. Une lueur d’espoir se fit  jour. Une négociation officielle  portant sur l’arrêt des violences et l’avenir de l’Algérie se profilait-elle à l’horizon? L’arrivée au pouvoir en France en 1958 du général de Gaulle, partisan tacite de la mise en œuvre d’une politique de décolonisation allait-elle changer le cours des événements? Son discours par lequel il reconnaissait au peuple algérien son droit à l’autodétermination va bouleverser la donne politique et susciter un peu plus tard  l’ouverture le 25 juin 1960 à Melun en France d’une première négociation officielle entre délégations française et algérienne. Ces premiers entretiens n’aboutirent pas, les deux délégations n’ayant pu nouer durant quatre jours le dialogue qui aurait permis d’aborder la discussion au fond.

En l’état de cet échec, grande fut la déception de l’opinion publique algérienne qui avait espéré une fin rapide des épreuves qu’elle traversait. Le pessimisme qui s’ensuivit fut tempéré quand après une nouvelle négociation s’ouvrit à  Evian du 20 mai au 13 juin 1961 et s’interrompit sans le moindre progrès. Mais le processus était lancé et un mois plus tard les pourparlers reprenaient le 20 juillet 1961 à Lugrin en France pour furent suspendus mais repris quelques mois  plus  tard  à la station  de sports  d’hiver Les Rousses. Malgré l’échec qui les marquait, ces rencontres furent l’occasion pour les négociateurs des deux délégations de préciser leurs exigences et prétentions et de préparer le terrain pour l’entrevue décisive qui eut  lieu à Evian. Ses travaux débutèrent le 7 mars 1962 forts  de la participation des personnalités les plus représentatives des parties. Onze jours de discussions âpres et laborieuses s’achevèrent le 18 mars 1962 par la signature des Accords d’Evian.

Dès lors l’histoire s’accéléra. Les premières décisions découlant de ces accords sont aussitôt mises en application. Ainsi le cessez-feu convenu entre les parties française et algérienne devint effectif dès le 19 mars 1962 au grand soulagement de la population algérienne. L’installation de l’Exécutif Provisoire chargé par les accords d’assurer la gestion des affaires publiques en Algérie a lieu dès le mois d’avril. Il appartenait en outre à cette structure mixte, composée de représentants des communautés française et algérienne de mettre en œuvre la procédure d’autodétermination, de rétablir l’exercice des libertés individuelles publiques et d’organiser les opérations du référendum. De fait, dans un contexte de violences quotidiennes, cette structure s’attacha surtout à ramener une paix effective et entreprit de mettre fin aux troubles et à la politique de la terre brûlée  perpétrés par les extrémistes de  l’OAS. Une négociation tendue et incertaine fut lancée aboutit à un accord par lequel l’OAS mettait fin à ses exactions.

La situation pacifiée, l’organisation  du référendum d’autodétermination fut mise en marche forcée et les opérations du vote référendaire purent se dérouler  le 5 juillet 1962 et s’achever par la proclamation de l’indépendance de l’Algérie. Il ne restait plus à l’Exécutif Provisoire qu’à organiser les élections à une assemblée constituante laquelle élabora une constitution le 10 septembre 1962 et à laquelle il remet ses pouvoirs le 25 septembre 1962 mettant fin à sa mission. En définitive, objet de critiques de la part d’esprits irréductibles, accueillis avec soulagement par le peuple algérien, les Accords d’Évian ont eu un double effet salutaire et salvateur: le rétablissement de la paix et l’accès de l’Algérie à l’indépendance. Quant à leurs dispositions subséquentes qui n’ont suscité qu’un intérêt relatif, mais ont ouvert le champ du possible.